La Grève, Ayn Rand

C’est un ami à Larmor-Plage qui m’a prêté ce livre formidable : La Grève ou La Révolte d’Atlas. Quelle lecture ! Je suis restée suspendue aux pages de ce pavé qui m’a poussée à réfléchir…

Alors je me lance dans une petite fiche de lecture…

La Grève ou La Révolte d’Atlas 

Récit mêlant l’essai philosophique au roman de fiction, publié en 1957 aux Etats-Unis sous le titre original Atlas Shrugged. Parution française en 2011 aux éditions Les Belles Lettres. 

La Grève, ou comment redonner à notre monde sa gloire et sa beauté industrielle.”

“Un roman haletant où le talent, le travail et la passion d’un petit nombre d’individus se heurtent à l’incohérence et au chaos d’une politique décousue, dans l’Amérique des années 1950.”

L’auteur

Ayn Rand (nom complet Alissa Zinovievna Rosenbaum), philosophe et romancière américaine, est née à Saint-Pétersbourg en 1905, et morte à New York en 1982. 

Connue pour sa philosophie objectiviste, et figure de l’anti-communisme radical, Ayn Rand est considérée comme la théoricienne d’un capitalisme individualiste qui prône les valeurs de la raison, du mérite et de “l’égoïsme rationnel”, son concept central. 

Elle a écrit de nombreux essais philosophiques sur des concepts tenant de la pensée libérale, comme la liberté, la justice sociale, la propriété ou l’État et dont le principal est La Vertu d’égoïsme (The Virtue of Selfishness). 

Ayn Rand a écrit d’autres œuvres de fiction, La Source vive (The Fountainhead) et Nous, les vivants (We the Living), ainsi que de nombreux scénarios pour le cinéma.

Résumé et personnages

Les années 1950 aux Etats-Unis voient une industrie audacieuse et inventive fleurir. Mines de cuivre, puits de pétrole, chemins de fer et fabriques de moteurs sont en pleine expansion. Mais un contexte mondial délétère, tourné vers un prétendu altruisme, rend la tâche des entrepreneurs et industriels du pays impossible. La politique générale du gouvernement conduit à un dégoût du grand public pour la réussite, la richesse, la créativité des inventeurs.

Les dirigeants d’entreprises et les inventeurs, les “cerveaux”, les “talents” qui font marcher la société grâce à leur productivité et leur créativité, s’effacent un à un, mystérieusement… Un nom circule, celui de John Galt, comme une rengaine, une invocation, à la fois cri de désespoir et appel au secours. “Qui est John Galt ?” Comment sortir de cette impasse mondiale ? Pour les derniers industriels, le dilemme est grand. Vaut-il mieux pour eux lutter pour la sauvegarde de leurs idées, leurs croyances, au risque de servir un système qui cherche à les boyer ? Ou plutôt s’extraire du monde et poursuivre leurs travaux librement et sans contrainte ?

Le roman s’articule autour de personnages forts et attachants, entre lesquels des liens se tissent et animent l’histoire. 

Dagny Taggart, personnage central, est une femme fière et déterminée, la seule dans une paysage politique et industriel masculin. Directrice des opérations de la compagnie de chemins de fer la Taggart Transcontinental que son grand-père Nathaniel Taggart (qu’elle vénère) a fondée. 

Autant elle symbolise le travail bien fait, la légitimité, la détermination, l’audace et la droiture, autant son frère James Taggart représente tout l’inverse. Fourbe, paresseux, peureux, dépourvu de but… Celui-ci intrigue du côté de la politique pour servir ses propres fins sans assumer la moindre responsabilité morale.

Francisco d’Anconia, l’homme le plus riche et le plus civilisé au monde. Aristocrate et héritier des mines de cuivre fondées par son grand-père, c’est un ami d’enfance de la famille Taggart. Il est de prime abord très mystérieux, exaspérant pour Dagny qui ne comprend pas ses objectifs. Au fil des pages, on sent percer sous l’allure du golden boy collectionnant les aventures sans lendemain, un ami dévoué, simple, facétieux… et d’une fidélité à toute épreuve.

Henry (Hank) Rearden, il incarne la réussite industrielle, remarquable équilibre entre audace créative (il invente un métal dont les capacités dépassent tout ce qui est alors connu) et une exceptionnelle productivité. Le tempérament de glace et la raideur de ce personnage voleront en éclat quand il réussira, avec Dagny Taggart, une prouesse technologique et humaine en construisant une voie de chemin de fer d’un genre nouveau. On découvre alors le véritable Hank Rearden, héros moderne et incompris.

Bien entendu, il y a également le personnage de John Galt… mais on vous en laisse la surprise 🙂

Ce livre se caractérise par la profusion et la diversité de ses personnages : industriels, politiciens, professeurs et chercheurs… Leurs personnalités très marquées permettent au lecteur de les classer immédiatement dans le camp des “gentils” producteurs ou des “méchants” profiteurs.

Analyse littéraire 

La narration, externe, est centrée principalement sur le personnage de Dagny Taggart, d’Hank Rearden ou de James Taggart, mais donne aussi la parole à d’autres personnages secondaires comme le professeur Robert Stadler ou Cherryl Brooks, l’épouse de James Taggart.

L’œuvre recoupe plusieurs registres : épique dans le rythme de son déroulé, dramatique pour la romance, et volontairement didactique, pour l’exposition des principes philosophiques de son auteur.

Atlas Shrugged nous entraîne, à travers cette dystopie, dans un récit haletant pour nous faire goûter à la psychologue de personnages complexes. Certains sont profondément engagés dans la poursuite de ce qu’ils considèrent le “bien” ou au contraire, centrés sur leur propre satisfaction au prix du moindre effort. Les causes des personnages héroïques finissent par se recouper, et l’on arrive à définir l’essence de la pensée de leur autrice Ayn Rand. Le talent mérite d’être mis en valeur, d’être rémunéré pour ce qu’il est et d’être admiré, soutenu par le politique et le grand public. L’argent est une valeur que l’on a dévoyée, mais utilisée à bon escient, elle permet à une société de se structurer de manière vertueuse. Le développement industriel et économique d’un pays sont le reflet de son dynamisme et du bien-être de sa population. C’est un but à poursuivre pour trouver le bonheur en tant que nation. 

Ayn Rand, Russe émigrée aux Etats-Unis, fait l’éloge du système capitaliste auquel elle a choisi d’adhérer dans ce monde marqué par la guerre froide. Ce système capitaliste repose sur des hommes intéressés à leur propre gloire et à leur propre réussite, sur le plan financier, sur le plan des réalisations et de la construction d’un patrimoine, pour eux et pour leurs concitoyens. Dagny par exemple, est très sensible au fait que la Taggart Transcontinental qu’elle dirige est un héritage initié par son grand-père Nat Taggart. Elle reprend le flambeau pour le porter plus loin et le rendre plus utile à son pays.

Toutefois, on sent poindre dans cette vision très romantique d’un capitalisme vertueux, l’âme russe de son autrice. A travers ses personnages dignes d’une saga de Tolstoï, elle expose les dilemmes et les déchirements qui font avancer l’intrigue.

Avis personnel

Le récit, riche en personnages et en rebondissements, tient en haleine son lecteur. Attention, lecture addictive ! 🙂 La belle place est faite à la psychologie des protagonistes et aux relations entre les personnages. L’analyse des sentiments, à travers les regards, la gestuelle est très présente. Deux passages en particulier sont des discours qui exposent directement les thèses de leur autrice, à travers les personnages de Francisco d’Anconia et de John Galt. Personnellement, j’ai trouvé le discours de John Galt assez décousu et beaucoup trop long… mais il n’est pas représentatif du reste du livre (ouf !).

La thèse d’Ayn Rand est très intéressante à relire aujourd’hui, et à mettre en regard de nos efforts pour réduire notre consommation et pour évoluer vers un monde sobre et écologique. On s’aperçoit rapidement que notre civilisation est construite autour des notions qu’elle cherche à mettre en valeur dans Atlas Shrugged.

Plutôt que de dévaloriser la réussite et de taxer l’argent gagné comme s’il était indu (est-ce l’influence que nous recevons aujourd’hui de la part des politiques ?) et plutôt que de vénérer l’argent facile obtenu sans talent notoire ou utile au grand public (par certaines stars des réseaux sociaux par exemple), nous devrions revenir aux significations essentielles de ces valeurs : le talent, le travail et l’argent. Ce sont eux qui conduisent au succès et au bonheur, à la fois individuel et collectif.

Apercu La_Greve

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